Qui se souvient aujourd’hui du talentueux Rouiched
Rouiched était un farceur né, il était parfois dans la peau d’un roublard et à d’autres moment enfant de cœur, il se lançait dans une discussion sans fin un regard à la fois perspicace et magnanime aux autres comédiens, histoire de les convaincre du bien-fondé de ses propos et de les amener à réfléchir en les entraînant dans des situations cocasses et hilarantes où il avait toujours le dessus.
Derrière ses yeux malicieux lorsqu’il regardait son public ou face à la caméra, il lui arrivait souvent de répliquer avec insistance à son interlocuteur qui ne comprenait rien à ce qu’il disait ou affirmait ostensiblement, histoire de le tourner en dérision derrière un arabe parlé aux sons gutturaux qu’il modulait parfois dans des tonalités aiguës.
Qui se souvient aujourd’hui du talentueux Rouiched qui campait à merveille un rôle qui lui a longtemps collé à la peau : La trilogie des Hassen au cinéma dont les Algériens retiennent le mémorable Hassen Terro Au mois de janvier de cette année, les responsables de l’ONCI ont fait un geste honorable en diffusant à la salle El-Mouggar au public avec la diffusion de deux de ses films L’Opium et le bâton et Hassen Niya pour marquer à l’occasion la 14e année depuis le décès du plus célèbre comédien que l’Algérie ait pu enfanter.
✰ Le présent se nourrit du passé ✰
Au regard de la timide affluence à l’exception de fidèles amis et connaisseurs, force est de constater que la mémoire de celui qui à lui tout seul a pu représenter un pan de l’histoire culturelle et sociale d’une certaine Algérie, semble tomber en désuétude lors même que les générations d’artistes disparaissent de la scène les uns après les autres. Nous revient à l’esprit ce magnifique vers de Louis Aragon : « Est-ce ainsi que les hommes vivent et leurs baisers au loin les suivent… » qui nous fait penser parfois à l’usure du temps qui pousse à l’oubli mais devrait surtout faire songer à la nécessité de faire des passerelles entre les générations actuelles et celles d’hier, d’abord parce que comme l’a toujours prouvé l’expérience, le présent se nourrit du passé car il n’y a pas meilleur repère que l’histoire en l’occurrence ici du théâtre et du cinéma algérien, deux disciplines artistiques que maîtrisait parfaitement le grand comédien et l’imposante présence de Rouiched et quoi de plus vital pour l’essor constant de la culture algérienne que ce le besoin fondamental d’établir des ponts particulièrement dans le domaine des arts entre toutes les générations d’artistes et d’interprètes, c’est un point par ces temps de disette culturelle qui nous semble salutaire.
✰ La passion et la popularité d’un grand comédien
pour le métier qu’il pratiquait ✰
Cette parenthèse fermée, on peut continuer sur notre lancée en nous interrogeant sur ce qui a longtemps fait la popularité d’un comédien comme Rouiched qui vivait sa vie exactement comme s’il se retrouvait sur le plateau d’un film et interprétait remarquablement une scène de son fameux personnage «Hassen», qui aimait se retrouver au théâtre qui fut ses premiers amours et sa passion de toujours au point où il nous avait confiés à l’âge de 70 ans qu’il voulait remonter sur les planches pour rejouer sa pièce à succès El Bouaboune (Les concierges ) dans une version actualisée. C’est dire la passion de Rouiched pour le métier qu’il pratiquait, lui que l’on considère comme une très grande figure du théatre et du cinéma comique algériens.
Le 7e art doit beaucoup à cet homme qui derrière une apparence naturelle humble, était un vrai prodige qui avait ce don incroyable de manier et d’allier la parole en faisant ressortir tout ce qu’il y avait en lui. Cet homme que rien ne prédisposait à l’art au début était originaire de la Kabylie, il est né un 28 décembre 1921 à Alger et a fait ses premiers cours à l’école primaire El-Feth à Soustara dans la Haute Casbah mais les études ne l’intéressent pas trop et puis en ces années où le colonialisme a pris racine dans la capitale, les familles algéroises qui ont subi l’exode autrefois, peinent à gagner leur pitance, autant dire que c’est tout juste qu’elles survivent.
C’est une des raisons qui poussera le jeune Ahmed Ayad — le vrai nom de notre comédien — alors âgé à peine de 13 ans và aider sa famille à sortir de la misère. On le retrouve teinturier puis vendeur de légumes mais la chance passe un jour par là : Il est vite remarqué par Mahmoud Stambouli, un grand homme de théatre qui le fait jouer dans une pièce intitulée «Estarjaâ ya âssi» (reviens à toi ô inconscient) d’Abdelhamid Ababsa. Rouiched se laisse prendre au jeu et sait qu’il peut faire carrière dans la profession. Il côtoie alors de grands nom comme Rachid Ksentini (son nom d’artiste, il le doit à ce dernier puisqu’il fait allusion directement au prénom de Ksentini), Sid-Ali Fernandel, Mustapha Kateb, Mohamed Touri et tant d’autres qui reconnaissent en lui une graine d’artiste et son style particulier. A l’indépendance, il fait partie de la troupe du Théatre national algérien (TNA) mais obtiendra la consécration dans le film de Mohamed Lakhardar-Hamina Hassen Terro. Il poursuit sa carrière à la télévision où il joue de nombreux sketches et téléfilms jusqu’à sa mort le 28 janvier 1999, à son domicile à El-Biar.
[Via] elmoudjahid.com
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