Un merveilleux voyage dans le temps et l'espace
Recherche
Allez plus loin …
Pourquoi pas !

Il était une fois, le photographe ambulant

le photographe

Les photographes ambulants ! Ils ne sont plus là, ces icônes culturelles citadines ! En silence, ils se sont retirés de la cité, sans deuil ! Jadis, ils étaient l’ombre des villes et l’arc des places publiques. Les fixateurs du beau temps ! Les dessinateurs de grands sourires. Les témoins des amours et des amoureux fuyant l’oeil de l’interdit! l’oeil du voyageur ! Les photographes ambulants ! Tous. Vous. Nous. Les autres.

L‘étranger. Le voyageur. Le citoyen. Chacun de ce beau monde détient un souvenir caché dans une pellicule d’un photographe ambulant d’une ville adorée. L’appareil Kodak au cou, ils étaient l’oeil attentif de la ville, en permanence, posé sur les moments inoubliables d’un voyageur perplexe devant un site ou un beau jardin. Les photographes ambulants étaient le coeur de la ville. Ils étaient l’arôme des belles rues et la musique des pas sur les pavées des ruelles des Casbahs. Ils étaient les monuments des monuments, les photographes ambulants! Ils étaient uniques, l’image ambulante du bonheur et de l’espoir. Les belles villes sont connues, sont reconnues, sont éternelles par leurs photographes ambulants ! Grâce aux photographes ambulants, nos ombres ne sont pas cassées. Je tourne les pages de mon album de photos. Je tremble! Les photos me renvoient non seulement les images des villes que j’ai visitées, les villes où j’ai vécu, mais celles de ces hommes qui ont éternisée ces moments mielleux.

Les photographes ambulants toujours élégants, cravate avec le noeud de la noblesse, une chemise blanche propre et un sourire printanier ! Ils ne sont jamais fatigués ni absents, été comme hiver ! Qu’il pleuve ou qu’il vente, peu importe ! Sans les photographes ambulants, des amis seraient oubliés. Sans l’oeil de ces anges qui observent le temps, des mémoires seraient trouées ! Il sont les chuchotements de notre enfance, de notre adolescence, les témoins de notre premier amour, de notre premier voyage ! Ils ne sont plus là, les photographes ambulants ! Une note manque à la répartition ! La musique est blessée !

Les photos prises par des photographes ambulants ne sont jamais ratées. Elles sont belles, et nous disent beaucoup de belles choses ! Face à son appareil, je pose. Il mesure la présence du soleil, ma taille et l’ombre de la place publique. A deux ou trois fois, il me redresse les épaules, retourne légèrement mon cou et ma nuque. Il réajuste le col de ma chemise et me tend un peigne qu’il fait sortir de son sac. Il regarde le ciel, le parfum et la couleur du moment à fixer ! Il est patient, calme et rassuré. Le photographe ambulant ne rate jamais sa photo. Il clique, je respire ! Il me présente une enveloppe timbrée, sur laquelle je mentionne mon adresse. Je paie et je quitte les lieux. Je rentre chez moi ! Une semaine durant, je ne guette que les pas du facteur. Il ne tarde pas à glisser l’enveloppe avec la photo magique dans la boîte aux lettres ! Jadis, les facteurs, eux aussi, ne râtaient jamais leur rendez-vous matinal.

Ils ne sont plus là, les faiseurs des belles photos, les sculpteurs des temps d’or ! Je tourne les pages de mon album, et les meilleurs moments, les meilleures villes, les chers amis… comme sur un tapis magique se succèdent. Des photos prises par des photographes ambulants à Oran, à Béjaïa, à Tlemcen, à Damas, à Fès, à Tunis… Aujourd’hui, dès que je descends dans l’une de ces villes, je sens la mélancolie. Les lieux ne sont plus les lieux, ils ont perdu leur fascination ! Les photographes ambulants, ces icônes artistiques et culturelles ne sont plus là ! Et les places publiques ont abandonné les places publiques !